Le statut de l’esclave sur Mars.

 

Par Sir Cecil Robertson of Milrany, C.S.O.

Extraits du rapport établi à la demande du Colonial Office sur l’esclavage sur Mars en vue de son éradication. Edition de 1882.

 

Il est avant tout intéressant de noter que tous les martiens n’ont qu’un mot pour désigner l’esclave : Tarss.

La situation de l’esclave n’est cependant pas identique sur toute la planète et de fait ce mot n’a pas partout la même signification. Il est même des Etats où il est inconnu : Ostoor et Polodaar notamment y sont opposés.

Chez la plupart des martiens des canaux, un esclave n’est pas esclave par nature, il n’est pas intrinsèquement inférieur. S’il est esclave c’est plus aux hasards de la vie qu’il le doit : le maître d’aujourd’hui peut devenir l’esclave de demain. Il en ressort de manière générale dans les faits comme dans la législation un certain paternalisme envers l’esclave qui est généralement bien traité.

Avant tout comment devient-on esclave ?

La plupart des esclaves sont des prisonniers de guerre, pas seulement des soldats mais aussi des civils : dans les coutumes martiennes de la guerre, la population vaincue est abandonnée de ses dieux (qui sont souvent aussi emmenés en captivité) et est soumise aux dieux du vainqueur et par voie de conséquence au prince vainqueur qui en dispose comme de son bien. Le vainqueur peut, s’il le désire, mettre à mort la population vaincue ; cet acte est depuis bien longtemps tombé en désuétude ; il date des vieilles guerres où des populations nombreuses luttaient pour un espace agricole diminuant. En ces temps, l’élimination physique de l’adversaire assurait la survie du groupe du vainqueur. Par la suite, de telles hécatombes ont eu lieu lors des guerres du Prophète, ou lors de la dernière guerre de Seldon face aux Hespériens, qui vit l’élimination de la population hespérienne de Gorklimsk qui s’élevait à 150.000 personnes (dont 45.000 soldats), à la suite du siège qu’avait subi la cité. Désormais cependant, ces hécatombes sont d’un autre âge, mais ils montrent que la population vaincue prend comme un acte de clémence sa perte de liberté.

Il existe aussi des esclaves qui ont perdu leur liberté suite à une condamnation judiciaire ou parfois pour dette.

Les martiens ne s’interrogent pas sur la justice ou l’injustice de l’esclavage, ils sont comme souvent très fatalistes sur le sujet. L’esclave peut toujours se racheter ou se faire racheter et souvent il a des droits. Ce n’est pas un objet dont on dispose comme on veut, sa possession est très contraignante. Là encore, la situation change du tout au tout selon la cité où l’on se trouve (sans parler des esclaves des Martiens des Steppes ou des Haut-Martiens qui sont des objets, pour le coup !)

L’esclave a une personne juridique, si ce n’est pas un citoyen ou un sujet, il n’a pas le statut d’étranger représenté par un consulat extérieur, il est soumis aux lois de la cité, cependant ses obligations et droits diffèrent de ceux du citoyen de base (car il a des droits). La vie d’un esclave n’est pas inférieur à celle d’un citoyen, un meurtre d’esclave est passible de la même peine que le meurtre d’un citoyen. Seul le prince peut décider de la mise à mort d’un esclave, qui dans ce cas n’est pas envoyé à Olympia, à moins d’une demande expresse de la cité du Volcan.

Il a droit de propriété : ses biens lui sont propres et doivent le suivre en cas de vente. Il peut lui-même posséder des esclaves (cela reste cependant bien rare car il devient alors propriétaire et a des devoirs envers eux). Le maître ne peut disposer des biens de l’esclave.
Il peut porter plainte et déposer contre son maître en justice, cependant un témoignage d’esclave seul est insuffisant pour condamner qui que se soit et a fortiori son maître. Il peut signer des contrats.
Il peut se marier (si quelqu’un accepte de prendre alliance avec lui) sans autorisation de son maître. Cela arrive cependant souvent entre esclaves en territoire hespérien car un vieille loi interdit de séparer un esclave de son allié (mari de sa femme et femme de son mari) et de ses enfants légitimes (donc nés en mariage) Si un esclave veut épouser un esclave d’un autre maître, ils peuvent le faire sans autorisation s’ils vivent dans le même élemshim (dès lors aucun d’eux ne peut-être vendu hors de l’élemshim) ; les maîtres doivent dès lors leur fournir une demeure commune. S’ils vivent dans des élemshims différents, l’autorisation des maîtres doit être accordée et les esclaves mariés regroupés.
On ne peut lui refuser son affranchissement s’il paye la somme décidée par le fisc pour sa classe d’esclave (qualifié, non qualifié, enfant….selon la législation locale)
L’enfant légitime d’esclaves est à la charge de l’esclave jusqu’à 4 ans martiens ; ensuite, il devient employé du maître (donc à sa charge mais mineur) jusqu’à 8 ans martiens ; puis il est libre et rayé des listes d’esclaves, et inscrit dans celles des citoyens de l’élemshim. L’élemshimite doit alors lui trouver des terres ou un métier (à charge du nouveau citoyen d’en changer si celui-ci ne lui plaît pas).
Les enfants illégitimes gardent leur statut d’esclave à l’âge adulte et sont à la charge de leurs parents tant qu’ils ne travaillent pas.
Un esclave doit obéissance à son maître tant qu’il est bien traité. Il lui est attaché et ne dispose pas de sa personne (il n’a pas la droit de se suicider ou de s’enfuir).
Il n’y a aucun travail dégradant pour un esclave, mais un esclave peut refuser un travail dangereux. Dans ce cas, si le maître l’oblige à accomplir ce travail, il doit le faire enregistrer aux registre des esclaves, en cas de problème consécutif à ce travail, le maître risque des poursuites.

Le maître a des devoirs envers son esclave :

L’esclave doit être bien traité et nourri convenablement.
Le maître ne peut battre son esclave que dans quelques cas, il ne peut pas le mutiler ou le tuer. Il lui est interdit de le marquer de quelque manière que ce soit, sauf par un vêtement ou par la tonte.
Si le maître est mécontent de son esclave, il peut le vendre au fisc, ou porter plainte contre lui. S’il le peut, l’esclave sera redevable sur ses biens, sinon il sera vendu au fisc et tous ses contrats seront caducs (y compris ses contrats de mariage et donc le statut de ses enfants nés ou à naître).
Le maître doit inscrire tous ses esclaves au registre de l’élemshim où ils résident et signaler leurs déplacements, sauf pour les esclaves sans habitat fixe qui sont inscrits aux douanes ou à la cité au temple de Sinn. Il doit signaler toute naissance, vente, décès et tout affranchissement.
Un maître peut affranchir un esclave en lui demandant son kaor en échange, il peut l’affranchir à terme selon contrat, l’adopter, l’affranchir contre rente, le vendre, le confier au temple. Sauf dans ces deux derniers cas, l’esclave peut refuser.

L’esclave public ou fiscal a un statut moins avantageux, surtout pour les droits communs : étant soumis directement à la cité, il est donc soumis aux dieux dont les obligations sont moindres. Les familles peuvent être séparées, les esclaves battus et la nourriture peut être insuffisante ou nulle selon les disponibilités de la cité. 9/10 des esclaves qui meurent de maladie, de sévices ou de famine sont des esclaves publics. Il convient de noter que la situation réelle de l’esclave public dépend de ses gardiens, du travail à accomplir, de leur nombre et des moyens et impératifs de la cité. De même un tel comportement est souvent réservé aux criminels de droit commun plus qu’aux prisonniers de guerre ou à ceux qui ne peuvent payer leurs impôts. Les enfants d’esclaves publics deviennent automatiquement libres à leur naissance à moins que les parents (ou l’un d’eux) ait commis des actes très graves.

Les affranchis deviennent souvent citoyens de leur cité d’accueil à moins qu’ils ne rentrent chez eux (s’ils ont encore un chez-eux).

Les cités des anciens fonds marins ont souvent un statut de l’esclave moins rigide que celui des cités des hautes terres. Dans certaines cités, l’esclave n’a pas de personne juridique, c’est un objet. Parfois, mais ce n’est pas la règle, le statut de l’esclave diffère de la race de l’esclave, de l’objet au demi-citoyen, selon que l’on soit Haut-Martien, Martien des Collines ou des Canaux ou même humain.

Dans certaines cités il est avantageux lorsqu’on est pauvre de devenir esclave. Cela est si vrai que parfois on trouve des familles d’esclaves qui servent la même famille de maîtres de génération en génération, et certaines de ces familles deviennent très riches, possédant leurs biens en propre, étant à la charge du maître et ne payant pas d’impôts. La famille du Hurrushin de Issindar possède deux familles d’esclaves depuis 6 générations ; l’une d’elle a rendu son kaor il y a deux générations, et en conséquence elle risquait l’appauvrissement. Pour ne pas la défavoriser par rapport à l’autre famille, l’Hurrushin de Issindar et son père avant lui les ont couverts de bienfaits ; d’ailleurs le second du Hurrushin est issu de cette famille, les Itrestai. L’autre famille fournit un grand nombre de serviteurs doués et dociles.

L’esclave chez les Martiens des Collines est en constante menace de mort. C’est bien pire chez les Haut-Martiens : pour eux, tout ce qui n’est pas un dominant (eux) est un esclave en puissance…